Josefa (Pepita) de Bedoya Rodríguez est née à Bilbao, dans la province de Biscaye, le 17 décembre 1928. Comme beaucoup de Basques, sa famille quitte la région en 1937 et s'installe à Barcelone. Son père, qui était colonel de l’armée républicaine, est fusillé entrainant l’exil de sa femme et sa fille. Le 5 février 1939, Pepita doit fuir à nouveau et gagne la France. Elle passe plus de quatre ans et demi dans les camps d'Argelès-sur-Mer, de Rivesaltes et de Gurs. Pepita, formée par la Croix Rouge, deviendra puéricultrice pour l’organisation. Un travail qu’elle continuera même après la guerre.

Transcription du témoignage

 

Moi, le souvenir le plus terrible pour moi, j’ai vu, un jour, un homme tué à coups de pieds par des soldats parce qu’il s’était sauvé du camp et, bien sûr, tout le monde s’est mis à crier et les femmes ont voulu aller lui porter secours. Parce qu’il faut bien dire qu’au camp de concentration quand quelque chose se révoltait, c’était les femmes, parce qu’elles avaient pas très peur. Les hommes ils savaient ce que c’était la guerre. Mais, on a essayé de sortir et c’est la garde mobile qui est venue avec des chevaux et autant vous n’avez pas peur d’un homme avec un révolver, devant les chevaux, vous reculez, y'a pas de problème. Et ce souvenir m’a poursuivie beaucoup d’années. 
Mais, vous savez, au départ, on pensait pas que ça allait pas être loin. Qu'on allait quand même arriver à gagner un jour. Comme quoi l’espoir était là ! Et puis bon, et puis, les femmes elles discutaient, elles refaisaient le monde. Surtout elles refaisaient le monde. Y'avait beaucoup de différentes idéologies hein. Tout le monde n’était pas socialiste. Tout le monde n’était pas communiste non plus. Alors tous ces gens-là discutaient entre eux.
Mais enfin, le caractère espagnol est quand même bizarre parce que même dans notre misère, on trouvait le temps de chanter et puis de danser. On nous apprenait les... y'avait des gens qui nous prenaient en charge qui nous apprenaient des danses. Et puis une fois par an, enfin, je me souviens une fois, ça devait être pour le 18 juillet puisque c’était la République, on faisait une danse, chaque province faisait sa danse. Donc, vous voyez, même très misérables, avoir faim, on trouvait le moyen de chanter et de danser. C'est ça le caractère espagnol de toute façon.
On nous disait : « Ramassez vos affaires ! », et on nous mettait ou dans des camions ou dans des... Quand on voyageait dans les chemins de fer, c’était toujours dans des... trucs de bestiaux. Alors on était bien serré qu’il y ait assez de place pour tout le monde et on savait pas où on allait hein. Et on arrivait, ben, un nouveau camp, des nouvelles habitudes et bon, ben des fois c’était mieux, pour le mieux, des fois c’était pour le pire. On savait jamais où on nous amenait, mais on nous donnait pas d’explication vous savez. On nous disait : « Ramassez tout, sortez ! ». On nous mettait devant les baraques et puis allez hop, on nous embarquait dans les camions et puis on roule !  
Ben, on arrive, bon, on commence déjà par vous prendre votre nom en arrivant, parce que quand même, les noms, on nous les demandait en rentrant, hein. Et puis bon, on nous demandait le nom et puis on nous donnait un nom de baraque, on, on nous faisait conduire par quelqu’un déjà du camp, hein. Et on arrivait devant notre baraque, on nous disait notre endroit et puis... ben on attendait que ça se passe et puis qu’on vienne nous dire ce que... Puis après, ben ça s’organisait de nouveau. Y'avait toujours un chef de baraque qui servait le manger, enfin le pain, parce que la soupe c’était un bol, une louche d’eau avec un bout de topinambour ou du, du…c'est jaune... [rire] du rutabaga ! Des fois c’était du topinambour, des fois du rutabaga. Mais y'avait un ou deux morceaux hein, autrement c’était de l’eau. Ben voilà, c’était notre repas hein.
Puis une année ils nous ont donné des jouets pour Noël, ça je m’en souviens. Les enfants on a eu droit à des jouets, ben c’est la Croix -Rouge suisse qui nous a donné ça. Et ça pour nous, vous vous rendez compte, depuis 39 on avait rien. Si, on faisait des poupées de chiffons [Rire]. Chacun avait des p'tites bricoles, mais enfin on a eu des jouets une année par la Croix -Rouge. Et ça bien sûr c’est un bon souvenir, c’est un souvenir agréable !